Avec la montée des eaux, l'érosion croissante et la crainte de nouvelles tempêtes hivernales accentuant le phénomène, l'urgence est au partage de bonnes pratiques, à l'amélioration des outils publics et à des méthodologies communes de gestion intégrée du trait de côte. Un enjeu d'adaptation qui fait l'objet d'un grand nombre de conférences à la COP 21, qui se tient jusqu'au 11 décembre au Bourget et à Paris. L'une d'elles portait le 1er décembre sur le littoral aquitain. La députée de Gironde Pascale Got y a fait le point sur le suivi de mesures préconisées au niveau national avec Chantal Berthelot, députée de Guyane, dans un rapport qu'elles ont remis début octobre à la ministre de l'Ecologie.

Deux mois après la remise à la Ministre de l'écologie du rapport du comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, où en sommes-nous ? Sur les quarante mesures préconisées par les députées Pascale Got (PS, Gironde) et Chantal Berthelot (SRC, Guyane), copilotes de ce comité national, certaines ont-elles une chance de voir le jour ? Leur rapport discrètement remis début octobre suggérait des pistes d'actions pour mieux gérer le risque d'érosion à court, moyen et long terme. Des réponses intéressantes car "concrètes, opérationnelles et tournées vers toutes les personnes qui vivent sur le littoral". Dont les élus bien sûr, associés à leurs travaux. Et inquiets face à l'ampleur du défi qui se pose à eux.

Xavier Pintat, sénateur-maire de Soulac-sur-Mer, une commune située face à Royan, à la pointe du Médoc, en témoigne : "Le taux d'érosion y est l'un des plus élevés d'Europe. La mer grignote chaque année de trois à cinq mètres de plage ! Tout repli y est impossible car la commune est prise en étau entre les eaux de l'Atlantique et l'estuaire de la Gironde." Une vulnérabilité que l'élu veut tourner à son avantage, en faisant de la commune un site pilote pour expérimenter des dispositifs alternatifs visant à freiner les vagues. L'un d'eux sera d'ailleurs testé cet hiver puis retiré à la belle saison.

Du nouveau en 2016

Sur les quarante mesures du rapport de ce comité qui sera reconduit dans sa mission de suivi du prochain programme d'action, lequel s'inspirera de ses recommandations, une priorité ressortait. Le besoin d'un réseau national des observatoires du trait de côte, afin de « produire de la donnée fiable et homogène, de partager des compétences, de mutualiser les moyens et de communiquer, éduquer et faire participer la société civile ». Sa mise en place a été actée par le ministère. Reste à l'ériger en s'appuyant sur les structures existantes. De même serait validée l'idée de diffuser une cartographie nationale de l'évolution du trait de côte, « accompagnée d'éléments informatifs destinés au grand public et après concertation avec les décideurs locaux ». Autant d'outils méthodologiques visant à aider les décideurs à faire des choix stratégiques d'aménagement littoral, et qui devraient être opérationnels dès le début de l'année prochaine. Plus tard, à l'horizon 2018, préconisait en outre le rapport, il serait bon d'élargir la diffusion de cette cartographie de l'évolution du trait de côte aux collectivités d'outre-mer, « dans le respect de leur compétence et de leurs souhaits ».

Ancrer la cohésion

L'hétérogénéité domine dans les données disponibles et dans les dispositifs de suivi existants, au niveau local ou national. Absence de coordination, voire absence d'instance appropriée ou de lieux d'échanges pour que « les acteurs concernés débattent et décident des orientations de gestion du trait de côte »… Le constat des députées n'est pas tendre. Et de recommander, entre autres, la collecte de retours d'expérience sur les événements majeurs de recul du trait de côte. Plus d'expertise collective, également, de formation des élus et de leurs services, et de recours aux sciences participatives pour motiver les citoyens. Et pourquoi pas élaborer « lorsque c'est pertinent » un plan de gestion des plages au niveau régional, en le soumettant à évaluation environnementale.

"Nous recommandions aussi de mieux étudier les liens entre érosion littorale et mouvement de terrain. Ce sera fait dès janvier", ajoute Pascale Got. Quant à l'identification des stocks et transits sédimentaires sur les façades maritimes ou la réalisation d'une carte nationale sur la présence d'ouvrages de génie côtier,cela prendra plus de temps. D'ici là - le ministère planche dessus - un "vocabulaire du littoral", sorte de "glossaire didactique scientifique transversal sur le littoral en faisant référence à ses composantes culturelles et naturelles", serait le bienvenu.

Vers une proposition de loi ?

Le comité national de suivi proposait aussi de clarifier les moyens de financement et les outils juridiques. Les stratégies de relocalisation affrontent en effet de sérieux obstacles. A minima, les outils actuels sont à expertiser au regard des nouveaux enjeux. Faut-il "imposer la réversibilité ou l'adaptabilité des aménagements, des réseaux et modes de gestion et de construction dans les zones exposées à moyen et long terme au recul du trait de côte" ? "Nous passerons pour faire évoluer les outils actuels par des textes de loi à venir ou par une proposition de loi sur laquelle nous travaillons avec Chantal Berthelot", glisse Pascale Got.

Enfin, la dynamique d'appel à projets sur la relocalisation ayant porté ses fruits, avec sept sites (dont trois en Aquitaine) ayant travaillé de près cet enjeu suite à celui lancé dès 2012, une seconde vague est envisagée. Très exposées, les régions Guadeloupe et Aquitaine sont parmi les plus avancées dans la recherche de solutions pour faire face à l'érosion qui grignote leurs côtes. A l'Ademe Guadeloupe, on confirme que cette dynamique est forte, que la plupart des communes ont des plans d'action. Et qu'un guide est prévu en 2016 pour partager leurs bonnes pratiques. Sur le littoral aquitain, des projets de relocalisation ont été étudiés dans trois communes. Et une doctrine locale s'esquisse. Une vision moins défensive face à la mer. Plus axée sur le repli et le repositionnement d'équipements et d'activités en arrière littoral. Mais qui nécessite encore des diagnostics et surtout de la concertation entre tous les acteurs.